Pourquoi la Russie a-t-elle convaincu Kotcharian de discuter de l’initiative américaine avec Heydar, ancien agent du KGB soviétique ? (Safarian)
Publié le : 31.01.2025 | Qristine
Le politologue Stepan Safarian continue d’analyser sur sa page Facebook les documents récemment déclassifiés par le Département d’État américain. Ces documents révèlent qu’à la fin des années 1990, Robert Kotcharian et Heydar Aliev étaient parvenus à un accord sur une résolution du conflit du Haut-Karabakh basée sur un échange de territoires : Meghri contre le Karabakh.
Avant de republier mes articles et documents promis, quelques observations et faits :
1. Un plan autrefois nié, aujourd’hui confirmé
Il a longtemps été nié qu’un projet d’échange de territoires incluant Meghri ait existé dans le cadre de la résolution du conflit du Haut-Karabakh. Or, les rapports confidentiels des médiateurs et hauts responsables américains confirment qu’un tel projet a été discuté pendant près de deux ans. Robert Kotcharian et Vardan Oskanian y avaient donné leur accord de principe au nom de l’Arménie.
Étonnamment, Kotcharian, qui réagit habituellement rapidement aux allégations sur les accords verbaux concernant le “corridor de Zanguézour”, garde ici le silence.
Plus encore, après ces révélations fracassantes, ils auraient dû publier les documents d’archives en leur possession pour démentir, clarifier ou compléter ces informations. Les autorités arméniennes, elles aussi, avaient le devoir de rendre ces documents publics, d’autant plus que les États-Unis ont décidé de déclassifier leurs rapports.
Si ces documents vitaux pour l’Arménie sont absents des archives officielles, les autorités doivent enquêter sur leur disparition et déterminer qui les a retirés.
2. Les médiateurs américains surpris par les discussions
Les documents publiés montrent que les négociateurs américains ont été surpris par l’audace de ces discussions, qui impliquaient des compromis complexes : échanger le corridor de Latchine contre le corridor de Meghri et restituer 6,5 districts à l’Azerbaïdjan. Les Américains ont été d’autant plus étonnés que cette proposition reprenait une idée avancée par Paul Goble dans les années 1990.
Il est notoire qu’après l’attentat du 27 octobre 1999 au Parlement arménien, la Russie a soutenu la faction du pouvoir en Arménie qui prétendait défendre l’axe Russie-Iran contre la création d’une zone panturque menaçant Moscou depuis des décennies.
Mais alors, pourquoi la Russie de Poutine aurait-elle soutenu Kotcharian, un dirigeant qui semblait agir dans le cadre d’une initiative américaine, et qui était prêt à accepter un projet prétendument dangereux pour les intérêts russes ?
Les documents révèlent que, derrière cette initiative, il n’y avait pas seulement Ankara, qui assistait Heydar Aliev dans les négociations, mais aussi Moscou. C’est cette implication russe qui a surpris les Américains.
Il faut donc se demander ce que la Russie cherchait à obtenir, et pourquoi elle a accepté qu’Ankara, qui soutenait Bakou, prenne part à une négociation impliquant des concessions de la part de l’Arménie dès 1999.
Contexte : le sommet de l’OSCE à Istanbul
Rappelons que quelques semaines après l’attentat du 27 octobre, en novembre 1999, devait se tenir le sommet de l’OSCE à Istanbul. Ce sommet devait entériner le retrait des bases russes de Géorgie et fixer un règlement du conflit du Karabakh dans le cadre de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. Robert Kotcharian a voté en faveur de cette résolution.
En résumé, pourquoi la Russie a-t-elle encouragé Kotcharian, considéré comme un allié de Moscou, à discuter d’une initiative américaine avec Heydar Aliev, un ancien agent du KGB soviétique ?
Ce fait est indéniable. Il faut aussi s’interroger sur le rôle de l’attentat du 27 octobre dans le sabotage du projet Meghri et sa transformation ultérieure en modèle Key West.
À noter que le coprésident russe du Groupe de Minsk de l’OSCE à cette époque, qui est ensuite devenu chef du renseignement extérieur russe, s’était montré très satisfait de la médiation russe. En 2018, lors de la Révolution de velours en Arménie, il avait publiquement conseillé à Ilham Aliev de poursuivre la politique de son père et de remettre la question du corridor de Meghri sur la table.
Que se passait-il en coulisses ?
Au même moment, Armen Gevorgyan, un proche de Kotcharian, se rendait à Moscou avec Edouard Nalbandian pour tenter d’empêcher que le pouvoir ne revienne à Nikol Pachinian et qu’il reste entre les mains de Kotcharian.
J’ai partagé plusieurs fois cette interview, notamment avant avril 2018 et après la guerre des 44 jours en 2020, lorsque cette question a refait surface dans la déclaration du 9 novembre. Pachinian avait alors refusé de signer un accord mentionnant explicitement un “corridor de Zanguézour” et avait fait modifier le texte.
Certains ont conclu du reportage de Radio Free Europe que Kotcharian aurait d’abord soutenu le plan américain avant de se raviser, craignant la réaction de la Russie. Mais l’analyse des faits montre une réalité bien différente :
C’est la Russie elle-même qui était derrière cette discussion et qui, après le 27 octobre, a soutenu et protégé Kotcharian, alors que, théoriquement, il n’aurait pas dû bénéficier de la bienveillance du Kremlin.
Pour l’instant, je m’arrête là, mais les questions restent nombreuses…
Contexte : Déclassification des documents américains
Radio Free Europe a publié des documents déclassifiés du Département d’État américain qui confirment qu’à la fin des années 1990, Robert Kotcharian et Heydar Aliev ont conclu un accord en tête-à-tête, sans médiateurs, pour résoudre le conflit du Haut-Karabakh en échangeant Meghri contre le Karabakh. Ces télégrammes secrets révèlent des détails inédits jusqu’à présent.
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vendredi 31 janvier 2025
Pourquoi la Russie a-t-elle convaincu Kotcharian de discuter de l’initiative américaine avec Heydar, ancien agent du KGB soviétique ? (Safarian) Publié le : 31.01.2025 | Qristine Le politologue Stepan Safarian continue d’analyser sur sa page Facebook les documents récemment déclassifiés par le Département d’État américain. Ces documents révèlent qu’à la fin des années 1990, Robert Kotcharian et Heydar Aliev étaient parvenus à un accord sur une résolution du conflit du Haut-Karabakh basée sur un échange de territoires : Meghri contre le Karabakh. Avant de republier mes articles et documents promis, quelques observations et faits : 1. Un plan autrefois nié, aujourd’hui confirmé Il a longtemps été nié qu’un projet d’échange de territoires incluant Meghri ait existé dans le cadre de la résolution du conflit du Haut-Karabakh. Or, les rapports confidentiels des médiateurs et hauts responsables américains confirment qu’un tel projet a été discuté pendant près de deux ans. Robert Kotcharian et Vardan Oskanian y avaient donné leur accord de principe au nom de l’Arménie. Étonnamment, Kotcharian, qui réagit habituellement rapidement aux allégations sur les accords verbaux concernant le “corridor de Zanguézour”, garde ici le silence. Plus encore, après ces révélations fracassantes, ils auraient dû publier les documents d’archives en leur possession pour démentir, clarifier ou compléter ces informations. Les autorités arméniennes, elles aussi, avaient le devoir de rendre ces documents publics, d’autant plus que les États-Unis ont décidé de déclassifier leurs rapports. Si ces documents vitaux pour l’Arménie sont absents des archives officielles, les autorités doivent enquêter sur leur disparition et déterminer qui les a retirés. 2. Les médiateurs américains surpris par les discussions Les documents publiés montrent que les négociateurs américains ont été surpris par l’audace de ces discussions, qui impliquaient des compromis complexes : échanger le corridor de Latchine contre le corridor de Meghri et restituer 6,5 districts à l’Azerbaïdjan. Les Américains ont été d’autant plus étonnés que cette proposition reprenait une idée avancée par Paul Goble dans les années 1990. Il est notoire qu’après l’attentat du 27 octobre 1999 au Parlement arménien, la Russie a soutenu la faction du pouvoir en Arménie qui prétendait défendre l’axe Russie-Iran contre la création d’une zone panturque menaçant Moscou depuis des décennies. Mais alors, pourquoi la Russie de Poutine aurait-elle soutenu Kotcharian, un dirigeant qui semblait agir dans le cadre d’une initiative américaine, et qui était prêt à accepter un projet prétendument dangereux pour les intérêts russes ? Les documents révèlent que, derrière cette initiative, il n’y avait pas seulement Ankara, qui assistait Heydar Aliev dans les négociations, mais aussi Moscou. C’est cette implication russe qui a surpris les Américains. Il faut donc se demander ce que la Russie cherchait à obtenir, et pourquoi elle a accepté qu’Ankara, qui soutenait Bakou, prenne part à une négociation impliquant des concessions de la part de l’Arménie dès 1999. Contexte : le sommet de l’OSCE à Istanbul Rappelons que quelques semaines après l’attentat du 27 octobre, en novembre 1999, devait se tenir le sommet de l’OSCE à Istanbul. Ce sommet devait entériner le retrait des bases russes de Géorgie et fixer un règlement du conflit du Karabakh dans le cadre de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. Robert Kotcharian a voté en faveur de cette résolution. En résumé, pourquoi la Russie a-t-elle encouragé Kotcharian, considéré comme un allié de Moscou, à discuter d’une initiative américaine avec Heydar Aliev, un ancien agent du KGB soviétique ? Ce fait est indéniable. Il faut aussi s’interroger sur le rôle de l’attentat du 27 octobre dans le sabotage du projet Meghri et sa transformation ultérieure en modèle Key West. À noter que le coprésident russe du Groupe de Minsk de l’OSCE à cette époque, qui est ensuite devenu chef du renseignement extérieur russe, s’était montré très satisfait de la médiation russe. En 2018, lors de la Révolution de velours en Arménie, il avait publiquement conseillé à Ilham Aliev de poursuivre la politique de son père et de remettre la question du corridor de Meghri sur la table. Que se passait-il en coulisses ? Au même moment, Armen Gevorgyan, un proche de Kotcharian, se rendait à Moscou avec Edouard Nalbandian pour tenter d’empêcher que le pouvoir ne revienne à Nikol Pachinian et qu’il reste entre les mains de Kotcharian. J’ai partagé plusieurs fois cette interview, notamment avant avril 2018 et après la guerre des 44 jours en 2020, lorsque cette question a refait surface dans la déclaration du 9 novembre. Pachinian avait alors refusé de signer un accord mentionnant explicitement un “corridor de Zanguézour” et avait fait modifier le texte. Certains ont conclu du reportage de Radio Free Europe que Kotcharian aurait d’abord soutenu le plan américain avant de se raviser, craignant la réaction de la Russie. Mais l’analyse des faits montre une réalité bien différente : C’est la Russie elle-même qui était derrière cette discussion et qui, après le 27 octobre, a soutenu et protégé Kotcharian, alors que, théoriquement, il n’aurait pas dû bénéficier de la bienveillance du Kremlin. Pour l’instant, je m’arrête là, mais les questions restent nombreuses… Contexte : Déclassification des documents américains Radio Free Europe a publié des documents déclassifiés du Département d’État américain qui confirment qu’à la fin des années 1990, Robert Kotcharian et Heydar Aliev ont conclu un accord en tête-à-tête, sans médiateurs, pour résoudre le conflit du Haut-Karabakh en échangeant Meghri contre le Karabakh. Ces télégrammes secrets révèlent des détails inédits jusqu’à présent.
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