Chaque jour, un artiste ou une célébrité raconte sa vie confinée. Aujourd'hui, rendez-vous avec le journaliste et essayiste Jean Kehayan
Comment continuez-vous à travailler confiné ?
Jean Kehayan : J'ai la chance de vivre dans un trois-pièces marseillais avec un petit jardin et une maison du fond. J'y ai empilé des archives successives... que j'ai enfin pu mettre en ordre ! Sinon, je me suis remis à l'écriture d'un projet théâtral qui me trotte dans la tête depuis longtemps : la vie dans un journal de 14 heures à la clôture, au poste de chef des infos générales que j'ai occupé pendant une dizaine d'années. Je dois avouer que je suis un peu baba à la lecture chaque matin de La Provence : c'est un tour de force de sortir un quotidien en ce moment et en tapant sur ma casserole à 20 heures pour saluer le travail des soignants, je donne aussi un coup de cuillère sonore pour saluer votre rédaction.
Quelles sont vos méthodes pour vous évader ?
Jean Kehayan : Dans mon fatras, j'ai retrouvé la Bible en arménien de mon père, largement soulignée de rouge et de bleu. Je me force à la lire une heure par jour, pour communier avec mes parents qui étaient toujours aux anges quand je lisais les psaumes. Et du même coup, je fais des progrès dans une langue que j'ai peu d'occasions de pratiquer. Et puis, je me suis mis à écouter les oeuvres complètes de Mozart, avec un coffret que s'étaient offert tous les bobos dont je dois faire partie pour les 250 ans de la naissance du génie.
Quel livre, film ou DVD conseillez-vous aux confinés ?
Jean Kehayan : Comme tout le monde, je jette un oeil sur les infos à la télé mais les débats autour du coronavirus m'exaspèrent, en particulier la polémique avec Didier Raoult ramenée au rang de classico OM/PSG. Sinon, je lis beaucoup et je me suis offert un double confinement avec La Montagne magique de Thomas Mann : enfermé chez moi et dans un sanatorium d'Allemagne. Ensuite, Stefan Zweig, et des bouffées d'oxygène avec Le Baron perché de Calvino, les oeuvres complètes d'Orwell dont La Ferme des animaux. À lire impérativement pour être vacciné contre tous les abus de pouvoir et toutes les pensées totalitaires de quelques bords qu'elles soient. Mon DVD culte reste America, America d'Elia Kazan pour comprendre les mécanismes qui conduisent aux génocides.
Quelle est la première chose que vous ferez à la fin ?
Jean Kehayan : J'irai chez des amis chers dans les Cévennes, ces montagnes qui ont un petit goût d'Arménie, j'attendrai que tombe le crépuscule sur la voûte des cieux, que les étoiles tissent leur guirlande de dentelles, que de la voie lactée s'envolent des poussières qui vont finir dans la mer pour la joie des petits enfants qui s'en iront, l'été, les ramasser lorsque ces temps maussades que nous vivons ne seront plus qu'un mauvais souvenir.
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